Les mille reflets du « maqroudh » kairouanais

Crédit Photo: Zeineb TAKOUTI – © Copyright mangeonsbien.com


Comment ne pas célébrer le « maqroudh » (« المقروض », en arabe), également orthographié « makroudh », dont on dit qu’il compte parmi les plus enracinées de nos pâtisseries tunisiennes! Et lorsqu’on prononce ce mot de « maqroudh » (qui, soit dit en passant, signifie découpé, sectionné, tranché), c’est à la belle ville de Kairouan que l’on songe immédiatement.

Quoi de plus simple qu’un « maqroudh »? Cette pâtisserie tunisienne se présente en général sous la forme d’un losange. On obtient ces gâteaux en superposant une couche de pâte à base de semoule de blé dur et une couche de pâte de dattes. Roulée et découpée à l’aide de moules en bois qui fleurent bon la tradition, cette pâte sera ensuite frite ou cuite au four, selon les recettes. Enfin, les petits losanges découpés seront trempés dans du miel.

 

Le « maqroudh » classique (Crédit Photo: Zeineb TAKOUTI – © Copyright mangeonsbien.com)

 

On dit que le « maqroudh » remonte aux Aghlabites et que ces derniers l’auraient propagé vers l’Algérie et le Maroc. D’autres sources expliquent que le « makroudh » aurait des origines antérieures et soulignent que l’ouest libyen en est friand à cause d’une lointaine ascendance berbère. Le fait est que ce sont bien les Tunisiens du neuvième siècle qui ont diffusé cette friandise vers l’ouest du Maghreb, notamment à Fès, au Maroc. Plus surprenant, le « maqroudh » continue à être apprécié à Malte où on le nomme « maqrout ». Des variétés cousines existent aussi en Turquie sous le nom de « kopardilar ». Allez donc savoir si les Ottomans n’ont pas exporté ces savoureux losanges vers la Sublime Porte!

 

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Les « mini-maqroudh » de Kairouan (Crédit Photo: Zeineb TAKOUTI – © Copyright mangeonsbien.com)

 

Qu’à cela ne tienne! Le « maqroudh » et son épicentre resteront kairouanais… Une récente visite dans ce qui est l’incontestable capitale de ce type de pâtisserie m’a mené en compagnie de la photographe Zeineb Takouti dans la fabuleuse échoppe de la famille Segni.

 

À l’intérieur de la mythique échoppe de la famille Segni à Kairouan (Crédit Photo: Zeineb TAKOUTI – © Copyright mangeonsbien.com)

 

Entre Bab Tounes et Bab Jelladine, cette famille décline son savoir-faire en la matière et propose de nombreuses variétés de « maqroudh » qui rivalisent en beauté plastique et en saveurs choisies. Bien entendu, les classiques se taillent la part du lion avec le « maqroudh el koucha », cuit à sec au four et considéré comme le plus traditionnel entre tous. Tout aussi prisé, le « maqroudh ellouz » vaut par ses éclats d’amandes incrustés dans la pâte de dattes.

 

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Le « maqroudh el koucha » (Crédit Photo: Anis KALAI – © Copyright mangeonsbien.com)

 

De nos jours, le « maqroudh mdawer », ç’est à dire enroulé, est de plus en plus populaire, malgré ses prix assez élevés. On trouve de nombreuses variantes de ce « maqroudh » de texture blanche et qu’on farcit de pâte d’orange et de citron, voire de pâte de pistache et de graines de pin d’Alep. Dans certains autres cas, et en saison propice, la pâte du « maqroudh » peut aussi être à base de figues, ce qui en soi constitue une perspective de délice.

 

Le "makroudh mdawer" (Crédit Photo: Zeineb TAKOUTI - mangeonsbien.tn)
Le « maqroudh mdawer » (Crédit Photo: Zeineb TAKOUTI – © Copyright mangeonsbien.com)

 

Ce bref éloge du « maqroudh » ne serait rien sans les photos lumineuses de Zeineb Takouti dont l’objectif a su capturer toutes les nuances d’un gâteau qui commence à conquérir ses lettres de noblesse européennes et canadiennes grâce aux émigrés tunisiens et algériens. Reflets, textures, ombres et lumières sont amplifiés sous le regard de cette photographe qui sublime comme jamais auparavant ce « maqroudh » de la tradition.

 

 

L’oeil de Takouti enrichit de saveurs lumineuses ces losanges si photogéniques et parvient à les saisir dans la complexité de ces tours gourmandes qui dégoulinent de miel.

Du grand art et aussi une invitation ouverte à tous les photographes pour qu’ils découvrent le fabuleux patrimoine culinaire tunisien, version « maqroudh » irrésistiblement kairouanais…


Post-scriptum: Nous tenons à remercier notre amie, la photographe Zeineb TAKOUTI qui nous a offert cette riche collection de belles photos de « maqroudh » kairouanais.


 

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