« Mchalouat », couscous aux « Osben » & « Mrouziya »: la Sainte-Trinité de la gastronomie nabeulienne durant l’Aïd al-Adha !

Crédit Photo: Maher KHELIL – © Copyright mangeonsbien.com


À Nabeul, comme c’est le cas un peu partout en Tunisie, les jours précédant l’« Aïd al-Kebir » (« عيد الكبير », en arabe), dit aussi « Aïd al-Adha » (« عيد الأضحى », en arabe: la fête du Sacrifice), les ménages mettent le paquet pour s’approvisionner en ces incontournables épices : safran, romarin, cannelle, thym, feuilles de laurier, fenouil, chouch il ward (boutons de rose de Damas)… et autres condiments nécessaires à l’assaisonnement et l’aromatisation de plats variés, au goût relevé et richement confectionnés ainsi que les amandes et marrons secs (fruits comestibles du châtaignier). Cela sans oublier la préparation des légumes qui serviront par la suite à la préparation des plats durant les deux jours de l’Aïd [1].

Jour J: l’incontournable “Mchalouat”

Depuis des lustres, le jour du « Aïd », les femmes nabeuliennes, connues pour leur attachement à des traditions culinaires millénaires et une gastronomie qui prend racine dans la cuisine andalouse, s’ingénient le jour de l’ »Aïd » et suivants à confectionner des plats aussi riches que variés. De ce fait, après l’immolation et le dépiautage du mouton égorgé selon le rituel islamique, les ménagères entament d’emblée la préparation du “Mchalouat” (« مشلوط », en dialecte tunisien): un plat typiquement nabeulien et cuisiné aussi du côté de la ville de Dar Chaâbane El-Fehri. [1]

 

Mchalouat
Le « Mchalouat », un plat typiquement nabeulien (Crédit Photo: Maher KHELIL – © Copyright mangeonsbien.com)

 

Selon Mme. Neïla, il s’agit de prélever des morceaux divers de viande de mouton (notamment à partir des côtes, du collier, de l’épaule, du gigot droit, du cœur, la rate et du foie) lesquels sont assaisonnés de sel, curcuma, cannelle, « chouch el-ward » (« شوش الورد », en dialecte tunisien: bouton de rose de Damas), huile d’olive (facultatif car la recette originale du « mchalouat » se prépare sans huile; on se contente du gras du morceaux de viande-ndlr) et arrosés par un mélange d’eau de fleur d’oranger (le bigaradier) et de safran broyé par un bras de mortier en cuivre chauffé. L’on procède ensuite à la cuisson. Le plat doit être  servi chaud avec à la discrétion gustative du consommateur un trait de jus de citron accompagné par un cocktail de persil et d’oignons finement découpés. [1]

J+1: couscous aux « Osben » & « Mrouziya »

Le plat du deuxième jour de l’Aïd est le couscous aux « Osben” (« عصبان », en dialecte tunisien) qu’on prépare à base de “Daouara” (« الداورة », en dialecte tunisien: un ensemble de viscères et d’entrailles du mouton-ndlr) nettoyée la veille.

 

Osben
Couscous aux « Osben » (Crédit Photo: Cuisine Tunisienne par Nabila – Facebook)

 

D’autre part, à Nabeul, on ne peut pas parler d’Aïd sans la préparation de la fameuse « Mrouziya » (« المروزية », en dialecte tunisien) qui se décline dans d’autres variantes: la « Kastliya » (ragoût de marrons) ou la «Marqa hloua» (« مرقة حلوة », en dialecte tunisien: ragoût sucré). C’est un plat à base, bien entendu, de viande de mouton, laquelle est mélangée avec des raisins secs, des amandes mondées, des pois chiches auxquels on rajoute les ingrédients nécessaires et les châtaignes sèches (trempées dans l’eau 24 heures auparavant). [1]

 

Mrouziya
La « Mrouziya » nabeulienne (Crédit photo: Capture d’écran de YouTube – © Benna SAFI)

 

Pour la petite histoire, dans son célèbre traité gastronomique datant du XIIIe siècle, intitulé, «Foudalat al-Khiwan fi tayyibat at-taâm wal-alwan» (Les délices de la table et les meilleurs genres de mets), Ibn Razin Tujibi, originaire de Murcie dans la région de l’Andalousie, en Espagne, fournit parmi ses 450 recettes, quelque 60 pages consacrées aux viandes dont la fameuse « Mrouziya » salée-sucrée. Alors que selon l’historien Abdessattar Amamou, la « Mrouziya » vient du mot « Marouaziya », une appellation originaire de la ville de “Maroua” en Iran. A noter que la « Mrouziya » fait aussi partie du patrimoine culinaire marocain surtout au niveau des villes impériales comme Rabat et Marrakech. [1]

Pour ce qui est de la préparation de ce plat atypique, d’après Mme Neïla :

«On ne cuisine pas la « Mrouziya » dans une cocotte minute, elle doit être préparée à feu doux et dans un « tagine » en cuivre. Jadis, nos grand-mères  préparaient ce plat dans un tajine en terre cuite sur le feu de la « Qalaîiya » (une sorte d’ustensile fait en terre cuite spécialement quelques semaines avant l’Aïd pour être utilisée lors des préparations des différents plats).”, fait savoir Mme Neila.

Il faut dire que la « Mrouziya » ne se mange pas chaude. Il vaut mieux la laisser refroidir avant de la consommer accompagnée de pain traditionnel, toujours d’après Mme Neila.

Autres délices: « Qlaya » et « Méchoui » 

Il reste à signaler que les habitants de Nabeul cuisinent également la « Qlaya » (« القلاية », en dialecte tunisien): un ragoût à la viande de mouton, qui se mange aussi le second jour de l’Aïd al-Adha.

 

Qlaya
La « Qlaya » (Crédit Photo Sameh Tanazefti – © Copyright mangeonsbien.com)

 

Enfin, comment parler du « Aïd al-Kébir » sans évoquer le fameux « Canoun » (« كانون », en dialecte tunisien), une sorte de poterie creuse, en terre cuite, utilisée comme un brasero pour la cuisson des côtelettes du mouton au charbon de bois.

 

Aid
Des côtelettes d’agneau grillées (Crédit Photo: Tunisian American Young Porfessionals de New York – © Copyright mangeonsbien.com)

 

Ainsi, le « Méchoui » (« المشوي », en dialecte tunisien: grillades) demeure un must non seulement dans la Cité des Potiers, mais aussi sur tout le territoire tunisien.


Sources:

[1]: Cette publication est une revisite de l’article de presse« Aid Al-Adha-Nabeul: Mchalouat, mrouziya et des saveurs millénaires ! », du même auteur Abdel Aziz HALI, paru sur les colonnes de La Presse de Tunisie, le 17/11/2010 et disponible aussi sur son blog personnel, JOURNAL-IS-ME.


 

10 Commentaires sur “« Mchalouat », couscous aux « Osben » & « Mrouziya »: la Sainte-Trinité de la gastronomie nabeulienne durant l’Aïd al-Adha !

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  7. Désirée Haddad Bellaïche says:

    Excellent article décrivant dans un francais plus que parfait ( une telle maîtrise est de plus en plus rare en Tunisie) les traditions séculaires nabeuliennes que l on parcourt en ayant l eau à la bouche .
    Félicitations et merci

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